Be my alibi, would you?
Knox se demandait ce qu'il foutait là depuis au moins une demi-heure, comment Leah avait-elle réussi à le convaincre ? Il ressassait ses mots, ses sourires, ses gestes tendres. Cette mère qu'elle était pour lui, et la confiance qu'il lui offrait... et voilà comment il était remercié ? Il devait faire le larbin bénévole pour une journée entière ? Il voulait croiser les bras et bouder, mais ça fait trop d'année qu'il sait que ça n'a plus aucun impact sur personne, alors il ne fait rien. Il préfère attendre et ne pas rappeler sa présence, avec un peu de chance, on le laisserait dans le coin, l'oubliant encore pour quelques heures... et Leah ne pourra rien dire, il aura fait des efforts.
Sauf qu'on ne l'oublie pas, malgré le remue ménage pour le festival, malgré les millions de tâches de tout le monde, un petit nouveau à exploiter n'est donc pas totalement inutile. Knox soupire, mais va à l'endroit qu'on lui indique en traînant des pieds.
Et ses pieds le traînent jusqu'à Devin Effire. Knox n'a oublié aucun nom, aucun visage, il sait précisément qui a tapé et quand, les mots que certains ont prononcés reviennent parfois dans ses rêves - ses cauchemars. Il n'y pense pas tous les jours, mais toutes ces informations sont là, endormies quelque part dans son esprit, prêt à ressurgir au moment importun.
Le pire ? Knox ne leur en veut pas à eux. Comment pourrait-il le vouloir ? Devin n'était pas le pire, l'un des suiveurs tout au mieux. Non, le meneur, c'est Karl. Et Karl, il le déteste, il le hait, autant qu'il l'aime, alors il n'arrive pas à haïr les autres non plus. Enfin, peut être qu'il déteste Max, celui qui a lancé l'offensive, celui qui était le plus odieux, celui qui n'hésitait jamais à jeter ses affaires, faire tomber ses stylos, le coincer dans les chiottes. Non, Max, il le hait. Mais les autres... les autres étaient faibles et ne méritent même pas son attention... pourtant, Knox ne passera jamais au-dessus, tant que Karl sera là, il ne pourra pas faire semblant que rien n'est arrivé.
Knox n'a pas le temps de dire quoique ce soit que Devin parle, l'air intrigué. Et là, toute l'injustice de la situation naît dans l'esprit de Knox. Lui ne peut être libre, il n'a jamais rien oublié, les autres... en ont rien à foutre. Ils ont détruit un gamin et continué leur vie, l'air de rien. Le choc coupe le souffle à Knox et il cherche des yeux quelque chose à faire, n'importe quoi pour couper court.
Qu'est-ce qu'il pourrait répondre de toute manière ?
— Euh, ouais, j'sais pas, sûrement.
Il hausse les épaules, fuit son regard. Ce serait plus simple de dire autre chose, genre ouais, même lycée, mais la panique n'a pas aidé Knox a réagir correctement.
— J'bosse à la librairie, sur mission district, p'être qu'on s'est déjà croisé ?
Il sue, il tremble, pourquoi il ne dit pas une banalité plutôt ? La panique lui fait courcircuiter le cerveau et il lâche.
— Bon, on va pas rester là à rien faire, on s'y met Devin ?
Et là il comprend son erreur, son nom, il n'aurait pas du le sortir avec temps de facilité, comme s'ils se connaissaient ou du moins... s'étaient connus.