Sans issue
with @Wilfried Williams
tw : aucun
Elle a envie de sortir pour toucher deux mots au Destin avant de commencer cet entretien. Des jours qu'elle cherche ce type sur tous les réseaux sociaux. Elle a épluché les groupes facebook locaux, sur lesquels les mères célibataires revendent les vêtements d'enfants ayant grandis et où les étudiants Erasmus espèrent trouver de l'aide pour se loger. Elle a lu toutes les conneries que les gens sont capables de poster en ligne, sans succès. Des heures de gâchées, alors qu'elle n'avait qu'à venir traîner dans les bars des quartiers populaires... Formulé ainsi, ce n'était pas si étonnant, en réalité. Elle aurait dû commencer par là.
La playlist années 90 n'aide pas à rendre cette situation moins absurde. Ce n'était pas vraiment la bande-son qu'elle utilisait pour le film qu'elle s'écrivait dans la tête, quand elle pensait au jour où elle mettrait la main sur le père de Diane. Elle aurait préféré des tonalités plus vaporeuses, du type cigarettes after sex. Enfin, bref. Trop tard. Elle doit suivre le mouvement, maintenant qu'ils sont là. "
Ouais... Ouais." Ouais pour l'annonce. Ouais pour le tutoiement. Juste ouais. Ils ne sont pas à une familiarité près. Laissons quelques minutes à Shawn pour se remettre les idées à l'endroit. C'est pourtant logique qu'il n'ait pas gardé un grand souvenir de leur histoire. Sans la naissance de Diane, Shawn l'aurait sûrement oublié, elle aussi. Elle se serait souvenu du goût tiède de ses tatouages sous ses lèvres au moment de signer son contrat de travail. Ca aurait été une expérience intéressante. "
Un verre, ça serait parfait. Un shot de ce que tu as sous la main, si tu me permets." Avec un peu de chance, ça sera 5cl à plus de 50% d'alcool.
Elle s'approche. Ses yeux ne parviennent pas à regarder les alentours malgré sa curiosité. Ils restent bloqués sur lui. "
On a couché ensemble, il y a quelques années. Plusieurs fois, en fait. Will, c'est ça ?" Elle se râcle la gorge après que sa voix soit monté dans les aiguës sous l'effet de la nervosité, et tapote du bout de ses ongles sur le bois du comptoir pour retrouver une bonne contenance. Elle n'est généralement pas aussi crue, mais elle sait qu'elle n'aurait pas réussi à se reprendre ou trouver une justification pour son air perplexe. Elle ne va pas lui annoncer tout de suite qu'il est père, mais au moins, il tombera moins des nues quand ça arrivera. Il aura une vague idée de comment ça a pu se produire. "
Si ça t'embête pour le poste, je comprendrais." Elle tente un sourire, pour donner une allure normale à cette rencontre bizarre, sans pour autant savoir à quoi elle joue. Elle n'a pas envie de bosser pour ce type et lui annoncer à la fin de sa période d'essais qu'elle a donnée naissance à leur fille, il y a trois ans. Elle n'a pas non plus envie de tourner les talons puis revenir dans deux semaines pour lui dire "
P.S: tu es papa". Enfin, elle a encore moins envie de le lui balancer là, maintenant, comme ça, dans cette pièce qui sent la clope, alors qu'il ne sait même plus comment elle s'appelle.