take a break for spring cleaning
with @Ofelia Davies
tw : maladie, tca
T'as l'impression d'avoir affaire à une enfant et tu n'as jamais été un très bon baby-sitter. Tu choisis, plies, organises ce qu'elle doit amener pour votre voyage et même là, elle n'est pas contente. Elle fait un caprice parce que tu prends des vêtements trop épais, qui lui tiendront chaud et ne seront pas confortables pour le long trajet en voiture qui est prévu. Tu râles parce que vous n'en seriez pas là si elle ne s'inventait pas une phobie de l'avion. San Francisco-Los Angeles, vous auriez pu faire l'aller-retour dans la même journée plutôt que rouler quatorze heures sur trois jours. Elle pensait qu'en choisissant le moyen de transport le moins adapté, elle te découragerait de l'amener voir ce spécialiste, mais c'est mal te connaître. T'es aussi têtu qu'elle alors quand vos envies divergent, ça pète.
Ta mère finit par claquer la porte. Tu l'entends au rez-de-chaussée rassembler son matériel. Elle va sortir peindre et c'est toi qui dois finir son sac, seul. Tu préfères. Elle te fatigue. Tu boucles le tout et vas dans ta chambre, celle que tu occupais l'été, les nuits où tu ne t'endormais pas contre Scar. Il n'y a aucun vêtement, tout est chez Ofelia, mais il y a cette peluche qui traîne sur le lit. L'ours s'appelle Jackson, comme l'aéroport d'Atlanta. Il te semble que ton père te l'a offert la première fois que tu as pris l'avion, mais c'est possible que tu te trompes. T'étais trop petit. Tout ce dont tu es certain, c'est que ce doudou t'a suivi toute ta vie et on ne dirait pas. Sa fourrure est élimée à des endroits, mais il a encore deux yeux noirs et quatre pattes. Tu comptes pas l'amener avec toi, non. Si tu le fourres dans ton sac, c'est pour une autre raison.
Tu fermes la porte de la maison sans la verrouiller, à tous les coups ta mère est partie sans ses clefs. Deux cents mètres plus loin, tu rentres chez toi. Là où tu vis réellement. Une odeur de plat cuisiné t'accueille, ainsi que la voix d'Ofelia. Elle s'active, alors que t'es planté là. T'aurais aimé qu'elle vienne dans tes bras et la serrer le temps de te calmer, t'es trop lâche ou trop fier pour le lui demander. Elle est lancée, débordante d'une énergie qui te manque. Tu dois encore la prévenir que tu vas t'absenter trois jours. T'as repoussé le moment de le faire. Vous êtes la veille de ton départ et elle l'ignore encore. La peluche qui est encore cachée dans ton sac, c'est pour elle, parce que tu sais que sa solitude l'écrase parfois. C'est pas grand-chose, elle te trouvera peut-être ridicule, mais t'aimais l'idée de lui prêter Jackson.
« Ca sent bon, merci. »Tu t'installes, un peu tendu. T'es stressé. T'aimes pas être ainsi car ça fait mal sortir les mots auxquels tu penses. T'es déjà pas l'as de la communication, mais quand tu laisses tes sentiments prendre le dessus, t'es carrément merdique à cet exercice. Tu commences à piquer dans ton assiette et trie la viande des pâtes. Tu manges les différents éléments d'un plat séparément.
« Ca va. J'étais chez ma mère. »Et t'as pas très envie d'en parler, et en même temps il va falloir le faire. Tu ne vas pas attendre d'être parti pour parler à Ofelia de ton voyage. Tu te tournes en direction du fameux canapé, comme si tu le découvrais. T'as pas d'avis, c'est un canapé, ni pire ni mieux qu'un autre à tes yeux. Ce n'est pas le meilleur moment pour toi pour te concentrer sur la décoration.
« Je sais pas. J'aime bien des coussins ou des plantes. Je pourrais m'en occuper. »Peut être pas te confier un bonsaï, mais des plantes faciles, tu peux. Tu ne saurais pas trop quoi lister d'autres en dehors de ça. T'aimes l'espace où vous vivez. T'aimes traîner dans le salon pour passer du temps avec elle, l'air de rien. Et le canapé, il vous permet de vous installer l'un contre l'autre confortablement alors tu ne vois pas de raison de t'en plaindre.
« Et pour le canapé... On peut aller regarder ensemble, si tu veux. Je t'aiderais à le transporter. Mais demain je suis pas là. Je suis pas là de demain à mardi soir, peut-être tard. »Voilà, t'as arraché le pansement sans en avoir l'air, le regard baissé sur son assiette et ces lasagnes que tu déstructures. Il y a un truc dans ta voix, un petit trémolo au mauvais moment qui laisse deviner que c'est pas aussi anodin que ce que tu aimerais faire croire.