too young to be reasonable
with @Lana Williams & @Kyle YoonSketch qui se dessine, oeuvre qui se précise, tatouage qui naît doucement, alors que l’encre pour le moment reste virtuelle, elle se déverse de la pointe d’un stylet qui glisse doucement sur un écran de verre. Et le travail est solitaire, le salon est silencieux. Hector dort sur le canapé à côté de lui, et le dernier client a quitté les lieux quelques instants plus tôt. Depuis qu’il s’est fait résident à San Francisco, les commandes qui se sont enchaînées les premières semaines se font plus espacées aujourd’hui, lui laissant le temps de travailler à ses propres oeuvres à proposer en walk-in et en flashes à réserver.
Pourtant, entrecoupé de SMS envoyés à Isaac, en réalité, le travail traînasse aujourd’hui, le tatoueur est distrait. Sa main passe plus souvent dans ses cheveux que sur l’écran, et il se retrouve à jouer avec le bandage autour de sa paume plus longtemps qu’à dessiner.
Le souvenir de l’autre soir lui tourne en tête. Le retour d’Isaac, ramené au petit matin par Niven et puant tellement l’alcool que lui aussi avait failli vider son estomac, Kay n’est pas vraiment prêt de l’oublier. L’attente anxieuse avait remplacé le sommeil et finalement, la conversation qu’il voulait calme a fini par exploser. Un verre en a fait les frais et lui a entaillé la peau… Ce n’est qu’une entaille de surface, pas vraiment douloureuse. Elle n’a pas impacté sa journée, même si ça gratte sous les gants en latex. Mais le souvenir, lui, ne l’a pas quitté non plus. La colère et la fatigue sont restées aussi. Et si le tatoueur sait qu’Isaac ne travaille pas aujourd’hui, il sait aussi où trouver sa cible…
Pourtant, tout s’était bien terminé. Enfin, si on pouvait dire…
Kay avait hurlé. Le verre s’était brisé. Isaac avait eu peur. Leurs voix avaient dû réveiller les voisins. Et puis d’un coup, le calme était revenu. La culpabilité avait remplacé la peur. La douceur avait remplacé la violence. Et celle dont tout semblait être la faute avait envahi son esprit.
Le temps d’un dernier SMS, et de fermer le salon jusqu’à son retour ou celui du patron, Hector bien en sécurité dans le bureau, le voilà avec sa main blessée à se saisir de ses clés et à conduire jusqu’au disquaire à quelques rues d’ici. Il savait qu’elle travaillait aujourd’hui. Et qu’il n’y avait pas de verre à briser dans le magasin de disques et de vinyles. Du moins, l’espérait-il.
Bien sûr, il se dit qu’il n’y va pas pour ça. Calme et sérénité à l’état brut, il veut juste avoir une conversation avec la jeune fille… Avec celle qui a abandonné l’amour de sa vie à la dérive de l’alcool et des substances douteuses. Avec la petite idiote qui s’est permise d’entraîner Isaac, ange ignorant pratiquement tout de ce genre de soirée et de comment tout cela peut bien trop vite dégénérer, et de le perdre de vue. Il s’était senti obligé d’appeler Niven pour ne pas le déranger, malade et perdu au milieu de la nuit dans une rue et un quartier inconnu, alors que Lana en avait la responsabilité implicite, puisque c’était elle qui l’avait entraînée là-dedans…
Calme et sérénité ont une drôle d’apparence sur son visage, sombre et fermé lorsqu’il entre dans la boutique et qu’il repère la jeune femme.
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Hey Lana !… Can I talk to you a minute ?Il n’oublie heureusement pas clients et patron, un public dont il se passerait bien pour cette conversation, alors il se force d’un sourire un peu plus avenant en s’approchant d’elle, après avoir salué Speedy d’un autre sourire beaucoup plus chaleureux pour lui, ce sauveur qu’il ne remerciera jamais assez pour avoir offert un emploi à son aimé.
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Face to face ? Qu’il viendra préciser, la voix baissée de plusieurs tons alors qu’il plante ses yeux noirs dans les prunelles de la jeune fille, et avec cette notion des distances personnelles tout à fait étrange dans son esprit.