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langage grossier@Wilfried Williamsl'amour n'est rien,
tant qu'c'est politiquement correct.La tournée des poubelles, ça t'enchante pas. En plus, il fait un froid d'con et la compagnie de Darko est de plus en plus insupportable. Tu serres les fesses,
comme on dit, d'toute manière, t'as pas d'autres options. Si tu veux pouvoir rester en liberté, faut bien que tu témoignes d'un peu de volonté. Tu préfères nettement faire la mule pour Dev, c'est bien plus marrant et ça t'permet d'empocher le double de c'que tu fais à vomir les déchets dans l'camion benne.
C't'enfoiré d'Michel qui refuse toujours de t'laisse conduire le char, comme s'il avait peur que tu profites de la situation pour jouer au bowling avec les rares téméraires qui se réveillent en même temps que vous.
Enculé. Tu supportes plus vraiment la situation mais tu fais avec, s'il y a bien un truc que t'as appris en taule, c'est fermer ta gueule et
laisser les choses se faire. Le foyer, c'est ta maison aujourd'hui, pas question d'aller plier les genoux devant ton frère ou ta soeur.
J'm'en sors tout seul depuis tout c'temps, c'est pas maintenant que ça doit changer. Six ans derrière les barreaux, ça t'a forcément endurci. T'as loupé beaucoup d'choses mais t'as manqué à personne, ce qui est sans doute aussi pathétique que stupide.
Tu t'moques des autres, depuis quand t'as besoin d'eux pour t'sentir exister ?
Jamais. Là-bas, t'avais été l'roi du donjon, t'avais dicté ta loi, tu t'étais rendu plus fier et fort que l'métal. Invincible et pourtant incroyablement vulnérable...
Le retour au bercail s'fait sur les coups de dix heures. Tu quittes les
collègues sans même un sourire, rejoins ta piaule et t'glisses sous la douche sans attendre. Tu te débarrasses de c't'odeur que tu traînes sur toi d'puis l'aube. Tu pourrais t'coucher mais t'en n'as pas envie. Tes journées sont d'une routine affolante. D'abord, tu vas sortir prendre l'air, fumer une ou deux clopes et si personne t'observe, en profiter pour tirer sur un spif au calme.
Ensuite, tu r'viendras dans ta piaule te coucher jusqu'en début d'après-midi. Tu profiteras du reste de la journée pour faire la tournée des clients habituels et ce soir, sans aucun doute, tu sortiras pour trouver quelqu'un à t'envoyer.
Ouais, la routine, ça t'évite l'explosion.
Alors quand c'mec te sort de tes rêveries et que tes yeux s'posent sur lui, t'as l'coeur qui vrille.
Incroyablement vulnérable, tu t'souviens ? Parce qu'en taule, t'étais l'roi du pétrole, c'est vrai. Là-bas, c'est la loi du plus fort... en haut d'la chaîne, vous vous faites lécher par ceux d'en bas, c'est dans l'ordre des choses.
Entres mecs, ça dérange personne. Mais en dehors,
c'est inimaginable, même pour toi. Ce qu'il s'est passé là-bas, tu l'as gardé pour toi, tu t'es convaincu que ça n'avait rien d'homosexuel puisqu'après toutes ces années passées au trou, il ne s'agissait plus que de satisfaire un besoin primaire. Mais ici... là, devant le foyer où tu crèches, l'endroit où tu vis.
Non, certainement pas. Tu recules d'un pas, comme s'il t'avait agressé. T'as l'regard rouge, déjà.
Qu'est-ce tu fous là toi ? le ton accompagne le reste, il est aussi sec qu'arrogant.
Dégage, ça s'rait tout aussi simple. Pourquoi il s'adresse à toi, qui plus est... tu sais parfaitement qui il est. S'il y a bien un truc que t'as jamais réussi à t'sortir de la tête, c'est la tronche de ceux qui s'mettaient à genou d'vant toi, là-bas !
Et ça t'dégoute au plus haut point.